Le héro-gentil


Aimer, c’est parfois une urgence. Un élan irrépressible qui pousse à tendre la main, à vouloir alléger, réparer, apaiser. Comme si l’amour était un médicament, un bouclier contre la souffrance de l’autre. Alors on donne, encore et encore, jusqu’à ne plus savoir si ce mouvement vient d’un véritable élan du cœur ou d’une nécessité plus profonde, et plus sourde.

Quand l’amour devient un poids

Il y a une frontière fine entre être là et s’oublier. Entre accompagner et porter. Parfois, l’amour s’alourdit, se remplit d’attentes silencieuses, de fatigue invisible. On ne veut pas lâcher, parce qu’on croit qu’aimer, c’est être fort, c’est ne jamais reculer, c’est porter pour deux quand l’autre vacille. Mais à force de vouloir tout prendre en charge, quelque chose s’efface. Soi, peut-être.

On se retrouve à bout de souffle, à guetter des signes de mieux chez l’autre, comme si son bien-être validait nos efforts. Comme si l’amour se mesurait à l’intensité du don. Mais aimer, est-ce forcément cela ?

Le sacrifice, l’illusion d’aimer

Que reste-t-il quand on arrête de vouloir sauver ? Quand on cesse d’endosser ce rôle sans en questionner l’origine ? Quand on s’autorise à ne plus tout prendre sur ses épaules ?

Peut-être qu’il existe un autre espace. Un amour qui ne se porte pas, mais qui se partage. Un amour qui n’épuise pas, mais qui circule. Une posture plus souple, plus respirable, qui laisse à chacun la responsabilité de son propre chemin.

Et si, en cessant de vouloir être le refuge absolu, on se donnait enfin la place d’exister autrement ? Ne plus porter l’autre ne signifie pas l’abandonner, mais reconnaître qu’il est capable de se relever. Qu’il a, lui aussi, sa part de force et de résilience.

Se délester de ce poids, c’est aussi s’ouvrir à soi-même. Retrouver un souffle plus léger. Redécouvrir le plaisir d’être avec l’autre, sans lutter, sans se perdre. Car derrière l’épuisement du sauveur, il y a souvent une peur muette : celle de ne pas être aimé autrement que par ce que l’on donne.

Alors, peut-être qu’aimer, vraiment, commence ici. Dans cet espace où l’on n’a plus besoin de prouver, plus besoin de s’oublier pour mériter sa place.