Il y a des absences qui sont comme des ombres : elles ne font pas de bruit, mais elles modifient tout ce qu’elles touchent. L’absence d’un proche, d’un parent, ce n’est pas seulement une chaise vide à la table du soir, ou au repas du dimanche. Ce n’est pas seulement des affaires qui ne traînent plus ici et là, ou le téléphone qui ne sonne plus. Ce n’est pas seulement ce manque ponctuel. C’est un creux qui façonne, qui reste, qui fait son lit. C’est un espace où quelque chose aurait dû être et qui, au lieu de cela, laisse place à des questions.
Car grandir sans cette présence, c’est souvent grandir en cherchant. Chercher des repères ailleurs, dans les regards des autres, dans des relations qui, parfois, tentent maladroitement de combler ce qui n’a pas été donné. C’est s’interroger : qu’aurais-je été avec cet amour-là ? Aurais-je été plus sûr de moi ? Moins en quête de preuves ? Moins inquiet à l’idée de ne pas être assez ?
L’absence ne s’arrête pas à l’absence. Elle se glisse dans les choix, dans les liens que l’on tisse, dans cette manière d’aimer trop ou pas assez, de se donner tout entier ou de se retenir, comme si on craignait toujours que l’autre, un jour, disparaisse lui aussi.
Et pourtant… L’absence n’est pas qu’un vide. Elle est aussi ce qui pousse à devenir. À se construire autrement. À trouver en soi ce que l’on attendait ailleurs. Parfois, elle oblige à inventer d’autres formes d’amour, d’autres manières de se relier aux autres.
Mais avant d’en faire une force, encore faut-il la reconnaître et l’accueillir. La laisser exister. Ne pas la recouvrir trop vite de « ça va » ou de « c’est le passé ». Parce que c’est là, dans cet espace brut et réel, dans cette place laissée vacante, que l’on peut, peut-être, commencer à se trouver soi.