Il y a des colères qui grondent en silence. Des ressentiments qui s’accumulent, s’enchevêtrent, prennent corps. Un jour, sans prévenir, ça déborde. Une parole tranchante, un regard qui écrase, une présence qui pèse. On ne voulait peut-être pas faire mal, seulement se faire entendre. Mais dans l’urgence de se faire respecter, on finit parfois par écraser.
La mâchoire serrée du contrôle
Être celui qui tranche, contrôle, attaque, qui fait peur, ce n’est pas toujours une volonté consciente. Parfois, c’est un instinct, une protection mal ajustée. Il y a une histoire bien singulière derrière ce masque. C’est souvent une prise de pouvoir face à une peur ancienne. Parfois celle de l’abandon, de l’impuissance, du rejet. Alors on serre les poings, on prend le contrôle, on impose, parce qu’on craint, au fond, de perdre pied, d’être lâché. D’être trahi, souillé, piétiné, ridiculisé, voir humilié.
Cependant l’autorité qui se durcit peut redevenir un mur. On croit se protéger, c’était d’ailleurs peut être vrai à un moment, mais avec le temps on s’isole. On croit se faire respecter, mais on se coupe du lien. On croit se défendre, mais on attaque. Et dans ce jeu de pouvoir, une fatigue s’installe. Car dominer, c’est encore une façon d’être enfermé.
Peut-on exister sans écraser ?
Et si l’on osait regarder sous la carapace ? Que protège-t-elle, exactement ? Quelle douleur ancienne se cache derrière cette rage contenue, cette rigidité ?
Peut-être qu’il existe un autre espace. Un espace où l’autorité ne rime plus avec domination, mais avec justesse. Où l’affirmation de soi ne passe plus par l’opposition, mais par une présence solide et ouverte à la fois.
Ne plus être le dominant, ce n’est pas devenir faible. Ce n’est pas renoncer à se faire entendre. C’est apprendre à poser des limites autrement. À être ferme sans être cruel. À exister sans avoir besoin d’écraser, et de potentiellement ne plus ressembler à ceux qui nous ont tant blessé.
Peut-être que la force n’est pas dans le contrôle absolu, mais dans la capacité à s’ouvrir sans se perdre. Peut-être que l’apaisement ne vient pas de la maîtrise, mais de la confiance en ce qui peut exister autrement.
Et si on lâchait un peu la peur d’être vulnérable ? Si on laissait l’autre être, sans le contraindre ? Peut-être qu’en laissant l’autre plus libre, nous le deviendrions également.